Blandine Ayoub nous raconte quatre petites histoires de famille sur nos grands-parents Lesort :
Répertoire céleste.
A une réunion pieuse de dames du quartier Saint-Louis, notre grand-mère Elisabeth Lesort s’était bien ennuyée, agacée par un abbé prêcheur qui avait truffé son discours de références évangéliques, avec tous les numéros des chapitres et des versets à la clé. Au moment de partir, il vient la saluer, et lui demande si elle a apprécié le contenu de son intervention – peut-être avait-il remarqué son air pincé - : « C’était très utile, merci », répond-elle en souriant aimablement, « J’ai soigneusement noté tous les numéros de téléphone des apôtres, en cas de besoin ».
°°°°
Le vilain gnome de la rue du Hazard.
Grand-mère aimait beaucoup raconter des histoires à ses petits-enfants. Un jour, elle lisait une histoire de lutins à Hervé, et à un moment intervint le terme ‘gnome’. Comme Hervé en ignorait la signification, elle lui dit : «les gnomes sont de petits êtres malfaisants, j’en ai un, je te le montrerai tout à l’heure» - désignant ainsi, de façon assez peu charitable, l’insupportable Madame Salami, (peut-être 1,50m pour 80kg ?), qui était sensée tenir l’appartement de la rue du Hazard.
°°°°
Une grande tragédienne.
A propos d’histoires racontées par grand-mère, tante Chantal témoignait de son émotion de petite fille tandis que grand-mère lui lisait, avec le ton, l’agonie de la mère de Gribouille dans le livre de la Comtesse de Ségur. En suffocant, grand-mère imitait à la perfection les souffrances de la mourante, et disait : «Gri-bouille, mon pau-vre Gri-bouille…», ce que tante Chantal vivait très mal car elle trouvait cette scène désespérante, et grâce aux talents de comédienne de grand-mère la vivait intensément. Là-dessus, la porte s’ouvrait, et la cuisinière demandait :
«Qu’est-ce ce que je dois prendre au marché ?», et grand-mère s’interrompait pour répondre : «Du poisson, des fruits, des légumes… Bon, où en étais-je ? Je ne sais plus, je vais reprendre en haut de la page», - et le cœur de tante Chantal de défaillir à cette perspective…
°°°°
La carte anti-effondrement.
Grand-père marchait beaucoup avec ses enfants, et visitait pas mal de monuments historiques au cours de ces randonnées, y compris des découvertes de hasard qui l’intéressaient au plus haut point s’il ne les connaissait pas. Un jour, - était-ce une ferme, une église, un château ? en tout cas un chantier en très mauvais état -, il se fit dire par le gardien que le bâtiment était interdit à la visite car excessivement dangereux. « Aucune importance, répondit grand-père, j’ai ma carte des Monuments historiques. Venez, les enfants ! » Et il fit entrer tout son monde, malgré les protestations de grand-mère.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire