Né à Versailles le 18 novembre 1921, notre oncle Gonzague Lesort s'est éteint à Bruxelles le 23 avril 2017 dans sa quatre-vingt-seizième année.
Il a été inhumé au cimetière Saint-Louis à Versailles le 27 avril suivant, entouré de toute sa propre famille ainsi que des descendants de toutes les autres branches Lesort-Madelin.
Olivier et Nicolas, ses fils, avaient organisé ensuite une collation toute familiale permettant à tous de se retrouver et de partager affection et souvenirs.
A l'occasion de cette inhumation, son fils Olivier lui a rendu hommage :
Une des premières réactions que j'ai eue quand j'ai commencé à réaliser il y a quelques jours que je ne pourrai plus jamais décrocher mon téléphone pour appeler mon père afin d'aller déjeuner ou dîner avec lui, a été de me jeter sur les photos les plus récentes que nous avions prises de notre papa, nous ses fils, nos compagnes et nos enfants.
Et en regardant les photos de Gonzague, notre père, votre oncle, votre grand-père et arrière-grand-père, en voyant le pétillement de ses beaux yeux bleus, son éternel grand sourire adressé à la Vie qu'il avait tant aimé, le sourire «canaillou» de cet homme énergique et vibrant encore et toujours prêt à nous sortir une blague, une pique, une provocation, un jeu de mots, ou un mot d'amour, je me suis bien promis que je ne ferai pas ici dans ce cimetière une homélie pompeuse, ennuyeuse, pleine d'affectation moralisante.
Parce que, Papa, tu as été et tu restes dans nos cœurs et nos corps, tout sauf quelqu'un de pompeux, d'ennuyeux, et de moralisateur ! Et je ne voudrais surtout pas t'imposer e ce lieu ce qu'il est convenu une «tête d'enterrement» !
Avec mes 66 ans bien tapés, la liste des très beaux et bons souvenirs avec nous, tes fils et leurs compagnes, tes petits enfants et arrière-petits enfants est considérable et je préfère donc les évoquer par quelques anecdotes et TE raconter de cette manière-là et en quelques mots, égrener ces quelques souvenirs lumineux parmi des milliers d'autres, tous ceux que tu laisses gravés dans nos cœurs. A jamais gravés dans nos cœurs !
Je commencerai donc par cette anecdote que m'avait racontée le jour de mon mariage, un de nos voisins de notre rue dans la commune de Rhode Saint-Genèse où vous vous étiez installés, ce voisin belge et son épouse que vous aviez invités toi et Maman à l'occasion de la réception pour le mariage :
Ayant aperçu par la fenêtre de sa cuisine deux adolescents en train de grimper dangereusement sur les poutres d'un toit en construction d'une maison voisine, et réalisant qui étaient ces singes cascadeurs, il s'était précipité pour sonner chez vous, complètement paniqué, afin de te prévenir du réel danger que nous encourions, moi et Jean-Sébastien. Telle n'a pas été sa surprise quand, après avoir repéré les deux singes en question toujours en équilibre précaire sur les poutres, tu lui as répondu avec beaucoup de fierté et un grand sourire :
Oulala !!! mais c'est formidable d'avoir pu grimper si haut ! Quel courage et quelle adresse ! Bravo !!!... » en laissant ce voisin resté sans voix et éberlué par ta réaction ...
Bel exemple de ce que tu étais pour nous, un vrai papa toujours fier de tes progénitures quoiqu'ils fissent ! Il faut dire aussi que comme tu aimais nous raconter avec fierté toutes les c....... que tu avais faites au cours de ton adolescence et même plus tard, on s'est très vite senti l'envie de t'imiter et je crois même que les disciples ont dépassé leur maître dans ce domaine !
Nous n'oublierons jamais « le Petit Pinçon de Papa » devenu par la suite « Le petit pinçon de Papi », les tables de multiplications que tu faisais réciter à nos enfants en tournant autour de la table de la salle à manger du Prieuré, « les slogans » destinés à l'organisation de cette grande demeure normande comme par exemple « Les godasses à leur place » ou le fameux « Le café c'est sacré ! « et puis encore ce petit dessin aux feutres de couleurs que tu avais réalisé représentant un personnage ailé et auréolé, un saint que tu avais inventé et que tu nous demandais à tous de vénérer avec conviction car il s'appelait : «Saint-Plifions».
Et puis encore cette merveilleuse formule employée dans la sphère du Quai d'Orsay dont tu faisais partie et que les diplomates inséraient prudemment dans leurs textes «Mais les choses ne sont pas si simples...» et que tu faisais tienne dans nos discussions familiales animées. Pour le moins...
Nous ne pouvons pas oublier non plus cette grande musique à laquelle tu nous avais éduqués dès notre très jeune âge et que tu nous as fait définitivement aimer, de Mozart Beethoven - surtout Beethoven!!! - à Messiaen en passant par Brahms, Prokofiev, Stravinsky, Fauré, ou Chabrier.
Nous ne pouvons pas oublier non plus le couple uni que vous formiez Maman et toi-même, son «petit Gonzague» comme elle t'avait appelé dans cette fameuse lettre d'amour datée de 1948 et où elle te demandait en mariage. Nous pouvons toutes et tous affirmer chez « Les Gonzague » ne jamais avoir vu nos parents se chamailler, élever la voix entre eux. Vous étiez un couple admirable et admiré ! Quelle chance exceptionnelle pour nous tous, enfants et petits enfants !
Nous ne pouvons pas oublier les piques-niques à « La petite Pierre » avec les Chabolle, les goûters-dîners, les voyages en 2CV de Sarrebrück à Sainte-Maxime, ou à Carnac, les tours de Bretagne, les interminables trajets avec tes 404 et tes 504 Peugeot, Jean-Sé, Olivier et Gilles en train de se chamailler sur la banquette arrière et Nicolas sur les genoux de notre mère devant, toi conduisant avec tes mitaines en cuir et ta casquette en daim en fumant tes pipes d'Amsterdamer dont les effluves sucrées contribuaient à quelques arrêts nausées sur les bords des routes de France et de Navarre !
Nous ne pouvons pas oublier ton grand amour pour cette Allemagne où vous vous êtes rencontrés toi et Maman il y a exactement 70 ans dans un Berlin totalement en ruines, alors que tu avais souvent entendu parler au cours de ton enfance et adolescence dans ton très proche entourage de « ces sales boches ».
Ce grand pays où nous avons habité dix ans a été très sensible à ta passion pour lui en te décorant de la Croix du Mérite de la République fédérale d'Allemagne.
Nous ne pouvons pas oublier ton rôle de véritable pionnier de l'Europe avant l'heure, et sa réalisation à laquelle tu as toujours cru, méprisant ses détracteurs toujours bien présents, et pour laquelle tu as tant œuvré !
Et cela me conduit à une autre anecdote :
Je me souviens avoir reçu un jour une invitation pour un cocktail par des parents d'une élève que j'avais alors. Son père, ambassadeur du Sénégal en poste à Bruxelles avait organisé une grande réception dans un grand hôtel bruxellois à l'occasion de la fête nationale de son pays. Quand je suis arrivé dans cet hôtel, après avoir salué l'ambassadeur et son épouse, je me suis dirigé vers la salle de réception. Beaucoup de monde, mais mon attention a été en particulier attirée par un groupe d'une vingtaine de diplomates africains visiblement très intéressés et impliqués par une discussion ponctuée de rires et de regards convergeant vers le centre de ce cercle très animé . Intrigué par cette conversation bruyante et sympathique, je me suis alors rapproché de cet attroupement pour découvrir que le centre d'intérêt de ce cercle jovial et animé, c'était toi Papa!... invité à cette réception en tant que le spécialiste des fameux "Accords de Lomé", les ACP ( Afrique Caraïbes Pacifique) dont tu avais la charge ! Et le plus drôle fut que nous ne savions pas du tout que nous étions invités toi et moi, et pour des raisons bien différentes, à cette même réception !
Nous ne pouvons pas oublier les séjours en Normandie dans cette grande demeure du "Prieuré ", les Noëls, ses réveillons et ce que tu appelais « préveillons », et les distributions de « bidules » que tu adorais organiser.
Je ne peux pas oublier qu'il y a encore quelques semaines, alors qu'un méchant et sournois AVC t'avait conduit une fois de plus à l'hôpital, et alors que tu essayais de récupérer l'usage de la parole, de ton bras et de ta main gauche, tu m'as fait sur ton lit d'hôpital, un cours magistral sur les difficultés de l'implantation de centrales électriques au Zaïre ! Passionnant cours d'économie politique !
« Quelle belle intelligence ! » m'as-tu dit mon cher Frederic Chabolle en parlant de son parrain, dimanche dernier au téléphone alors que je t'annonçais la bien triste nouvelle. Et c'est vrai que nous sommes fiers de ta "belle intelligence", toi, notre père, notre oncle, notre grand-père, notre arrière grand-père. « Le dernier des Mohicans » comme tu dis si bien mon très cher frère Nicolas en parlant de ce dernier Lesort rendant son dernier souffle dimanche dernier dans les bras de ses deux fils et ceux de sa petite fille Céline.
Nous pleurons tous, non pas ta mort qui te délivre de cette grande vieillesse, celle que le Général de Gaulle comparait à un « naufrage », mais nous pleurons l'immense trou que ta disparition a creusé dans nos vies. Il ne nous reste plus à présent que nos souvenirs, et tout ce que vous nous avez donné toi et Maman et qui font que, finalement, nous ne sommes pas trop mal globalement...
Merci, merci des millions de fois. Merci autant de fois qu'il y a d'étoiles et d'astres dans l'Univers où tu te trouves maintenant et à jamais. Et merci de nous avoir permis de transmettre vos belles valeurs à nos enfants et petits-enfants.
Pour terminer, je voudrais vous lire un court extrait d'un écrit philosophique rédigé par une amie professeur de philosophie et écrivaine, Claude Montserrat qui dans son livre intitulé « Les douze Degrés de Silence et d'Humilité » écrit ceci :
" L'ÊTRE EST, LE NON-ÊTRE N'EST PAS "
" Et l'être qui NE L'EST PLUS, parfois le reste encore.
Contre toute attente, il poursuit, remis entre les mains de son existence. Dans l'expérience purement matérielle du hors de soi.
Contre toute attente, il poursuit, remis entre les mains de son existence. Dans l'expérience purement matérielle du hors de soi.
Loin de mourir, comme on l'attend de lui, il pose son corps ailleurs dans le dépôt usé d'une autre rive. Jusqu'à ce qu'un psaume de matière, atonal et amène, le relève du reste et le fasse apparaître.
Dans son avènement. Et sa gloire amendée."
Merci à vous toutes et tous d'être là et merci pour vos marques d'affection et vos mots d'amour adressés à notre père, oncle, grand-père et arrière grand-père.
Je voudrais aussi juste vous dire que nos pensées vont aussi à nos deux frères Jean-Sébastien et Gilles, et puis aussi vers plusieurs personnes qui nous ont fait part de leur grande tristesse, celle de ne vraiment pas pouvoir être ici ce jour.
Nous savons et nous sentons avec force qu'ils sont avec nous par la pensée et par le cœur. Et je pense en particulier à ma très très chère grande cousine Catherine Chamussy ainsi qu'à Jean-François et Laurent, membres de la famille Chabolle, famille qui représente beaucoup pour moi et mon frère Nicolas.
Olivier, fils de Gonzague LESORT
Les enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants de Gonzague Lesort |
Quelques uns des cousins :