La Pichardière vue par notre grand-mère |
En recherchant des documents pour Joseph Disponzio, l'universitaire américain que je devais rencontrer à Paris en décembre 2013, je suis tombé sur un historique de la Pichardiére établi de la main de notre grand-père André Lesort.
Comme il sied à un archiviste de sa qualité, Grand-Père a établi une fiche simple, claire, documentée et précise avec toute la rigueur historique requise.
La petite écriture ronde de Grand-Père m'a toutefois rendu présent son visage encadré par une barbe et une chevelure très blanches et ses yeux si bleus qu'ils avaient séduit Grand-Mère quand il avait enfin osé la regarder lors de leur rencontre matrimoniale de "la dernière chance" en 1905.
Je restitue donc cette fiche, accompagné par le souvenir de ce regard toujours bienveillant, qu'aucun d'entre nous n'a oublié.
Et ainsi, grâce à Grand-Père, nous y retrouvons la singulière mais véridique histoire où nos ancêtres Aucante ont acheté trois fois leur propriété de la Pichardière.
François Lesort
Historique de la Pichardière établi par André Lesort
1636, 22 novembre. Louis Vincent, ancien commissaire des tailles de la ville et paroisse de Neuville, vend à Jacques Pichard, maître chirurgien à Orléans, un " bien à héritage assis aux clos du Pont, paroisse de Neuville" : une maison et terres ( acte Coulaubeau, notaire à Orléens) pour 4231 livres et 10 sols.
1669, 24 octobre. Vente par Jacques Pichard, praticien à Orléans, et Anne Pichard, sa sœur, enfants du précédent, décédé, à Pierre Hanappier, marchand et maître orfèvre à Orléans, un lieu sis proche Neuville en Beauce, consistant en batiments, l'un pour le maître, l'autre pour le vigneron, avec le mobilier vif et mort, à charge de diverses rentes , le tout moyennant 6477 livres.
1746, 15 décembre. Achat de ce bien à la veuve Hanappier par François Aucante ( acte Amyot, notaire à Neuville).Premier achat.
1747, 26 juin. Vente des "lieu et maison appelé la Housseterie ou communément la Pichardière sis en la paroisse de Neuville, consistant en un grand corps de logis pour le bourgeois, dans lequel il y a deux chambres à feu par le bas, vestibule au milieu, deux chambres hautes, grenier au dessus, pressoir à faire le vin, cellier à mettre le vin et grenier dessus, grande porte cochère avec volière au-dessus, ensuite la maison servant de logement pour le vigneron, toit à vache, grange, jardin et deux clos".
Adjudication, devant le bailliage de Neuville, à la requête de Michel Métissier, marchand à Neuville, créancier de François Aucante, maire perpétuel de Neuville, pour 150 livres; adjugé à François Aucante lui-même moyennant 6000 livres (environ 18000 €. ndlr). Deuxième achat.
François Aucante avait épousé le 5 septembre 1741, en l'église de Neuville, Marie-Thèrèse Taffoureau (1707-1797), veuve de Jacques Nivet . Au décès de celle-ci, La Pichardière passe à un fils issu du précédent mariage de Marie-Thérèse Taffoureau (*), Benjamin Nivet (1734-1798).
Les héritiers de Benjamin Nivet, à leur tour, vendront la Pichardière par adjudication à Claude-François Romeron (étude Picot, notaire à Neuville).
(*)NDLR : Marie-Thérèse Taffoureau est doublement notre ancêtre par son mariage avec François Aucante et par son autre fils, Jacques Nivet, également issu de son précédent mariage.
Voir la généalogie explicative en bas de l'article (source VPF).
An 10, 12 ventôse ( 3 mars 1802). Vente par Claude-François Romeron, chef de bureau au ministère de la guerre à Jacques-François-Eleonore Aucante, juge au tribunal de la Seine de "la maison de la Pichardière, consistant en logement de maître et logement de vigneron, pressoir, cellier, grange,bûcher,écurie et autres cénacles formant la dépendance de cette maison avec deux clos de la contenance aux total de trois cent quatre vingt ares ou neuf arpents environ ( 4,5 hectares. ndlr) de terres, vignes et jardin, l'un appelé le clos de devant, dans lequel sont les bâtiments, jardin et une grande allée d'ormes, l'autre appelé le clos de derrière actuellement planté en vignes, luzerne et autres grains doux ..."
Prix 8500 francs (environ 26 000 €. ndlr).Troisième achat.
Par contre ce que ne dit pas la fiche d'André Lesort c'est qu'il existe dans nos archives encore un acte sous seing privé daté du huit thermidor an 11 (26 juillet 1803 ).
Cet acte précise que le citoyen Aucante a acheté la Pichardière au citoyen Romeron et que le citoyen Romeron a acheté la ferme de Villaine au citoyen Aucante et que "nonobstant l'énoncé des prix portés aux actes qui contiennent ces deux ventes, le prix véritable de la Pichardière a été de 10500 francs et celui de la ferme de Villaine de 24000 francs. Que c'est d'après ces deux prix réels que nous avons opéré les compensations et paiements d’excédents d'après lesquels nous avons l'un et l'autre libéré les deux immeubles dont nous sommes à présent propriétaires par les quittances que nous nous sommes donnés respectivement."
Pour compléter ce feuilleton, un dernier acte, daté du 15 septembre 1820 à Paris, finalise dix sept ans après le prix de vente de la ferme de Villaine à 29000 francs, réévaluation et intérêts compris (pour 21000 francs à l'origine).
L'acte de vente du 12 ventôse an 10 |
Construction de la Pichardière et création de son jardin .
François Aucante, juge de paix du tribunal de première instance de Paris, réside rue de Montmartre à Paris, mais possède une grande maison à Neuville aux Bois sur la place plus la Pichardière à proximité.
Dans ses souvenirs sur ses parents Jules Bonnet et Eugénie Desnoyers, Jules Bonnet, frère de notre arrière-grand-mère Marie Madelin, nous parle de la Pichardière et de sa reconstruction (source VPF) :
" Tous les ans on allait à la Pichardière dans la maison de vacances des grands-parents Aucante. Mes enfants connaîtront la Pichardière, je n'ai pas besoin de la leur décrire, la maison n'a guère changé depuis le début du siècle (19°s. ndlr), date de sa construction, mais à l'époque de la naissance de mon père, il n'y avait pour toute habitation qu'un bâtiment à 3 ouvertures composé de la cuisine actuelle, du petit antichambre qui est à côté et d'une salle à manger. M et Mme Aucante habitaient à Neuville même, une grande maison qui est sur la place à l'entrée de la rue d'Orléans.La Pichardière était leur jardin, leur petite maison des champs.
Mon père se rappelait très bien tous les incidents de la construction de la Pichardière et nous en parlait souvent.C'était lui qui avait joué le premier rôle à la cérémonie de la pose de la première pierre , ou plutôt de la première marche; il n'avait pas oublié l'orgueil et la joie qu'il avait éprouvés à frapper sur la pierre avec un petit maillet orné de rubans multicolores; tout le travail de construction l'avait intéressé ...
... La construction de la Pichardière n'intéressait pas seulement la famille Aucante et Bonnet, c'était le grand événement et la grande attraction pour tous les neuvillois; le grand-père Aucante en faisait volontiers les honneurs à tous, se réjouissant de tous les compliments et ne voyait pas d'inconvénients à ce que son jardin fût ouvert à tous les visiteurs. Comme tout ce qui est avantageux et agréable, ce droit de promenade pour les neuvillois passa facilement à l'état de tradition et plus tard, lorsque mes parents furent devenus propriétaires, ils eurent grand peine à faire cesser cette habitude de considérer leur jardin comme une promenade publique et n'y réussirent jamais complètement ..."
La Pichardière côté jardins |
Plan de la Pichardière et de ses jardins Généalogie d'une double ascendante : Marie-Thérèse Taffoureau Aucante |