André Lesort (29 ans) et Elizabeth Madelin (23 ans) en 1905
Nous vous avions présenté sur le blog, en février 2010, le récit de la jeunesse de notre grand-père André Lesort écrit par notre grand-mère Elizabeth Lesort née Madelin à l'intention de ses enfants.
Celle-ci nous y racontait leur première rencontre, à caractère matrimonial, son échec dû à la trop grande timidité d'André Lesort (malgré ses 29 ans) et l'intervention de son frère Louis Madelin pour organiser une rencontre de la deuxième chance.
En fait l'intervention de Louis Madelin prit la forme d'un télégramme envoyé par le réseau pneumatique parisien et notre grand-père que son métier d'archiviste prédisposait sans doute déjà à conserver les documents reçus, avait pieusement gardé ce télégramme qui changea sa vie.
Nous reprenons donc d'abord le récit de toute cette affaire par notre grand-mère, depuis ses origines jusqu'à sa conclusion et nous publions le fameux télégramme de la belle plume de Louis Madelin avec sa retranscription.
Récit d'Elizabeth Lesort :
"C’est en rentrant de la messe de l’Assomption, qu’André trouva dans son courrier une lettre du fameux Jules Baudot, lui disant qu’une dame de Bar (pourquoi ne disait-il pas Madame Renauld ?) avait trouvé que l’une des demoiselles Madelin, fille de l’ancien magistrat serait pour lui une femme tout indiquée…
Les quatre Lesort furent très émus ! Je crois comprendre que Mère fut tout de suite très séduite. Elle avait connu surtout à Rouen (dans la famille Prévost) des magistrats parfaits. L’armée lui avait toujours plu, et elle avait un culte pour l’administration des forêts. Les livres de mon frère Louis commençaient à êtres très connus. Que tout cela plaisait à la pauvre Mère ! L’entreprise ne fut lancée qu’en octobre. Beaucoup de maladresses et malentendus auraient pu êtres évités… mais enfin, puisqu’il fallait nous rencontrer, il fut convenu que le jeune archiviste alors en séjour chez ses parents, et connu par ses travaux de mon frère Louis, serait invité chez lui à dîner le soir de la Toussaint, alors que les Louis nous réunissaient tous à leur table. Le pauvre candidat, devant ces neuf examinateurs, était horriblement intimidé, et chargé de me servir à boire, à table, n’osa jamais faire ce geste. La bonne Mina lui ayant fait remarquer d’un ton gai que je mourrai de soif, il empoigna le carafon avec angoisse.
Ça allait d’autant moins que j’ai surtout remarqué que ce jeune homme de 29 ans était habillé comme un vénérable monsieur de 70 ans… Lui rentra chez lui le soir consterné de « ma dignité imposante » disait-il, mais désirant me revoir.
C’est alors moi, après une lettre de Monsieur Baudot conseillant une nouvelle entrevue, qui ai proposé que ce jeune homme, dont toute la famille me chantait les louanges d’une façon fatigante, nous rejoigne au bois de Boulogne où nous nous promenions souvent le dimanche après-midi, après l’inévitable Salut à Notre-Dame d’Auteuil. Nous goûtions, alors au Pavillon Royal et c’est là que Louis conseilla (c'est le fameux pneumatique! ndlr) à ce jeune André Lesort de nous retrouver… Beaucoup plus d’intimité se créa entre mon père et … votre futur papa et moi. Le jeune archiviste parla beaucoup de Bar. Encore plus de Cambrai et de sa « Jeunesse Catholique ». Je me souviens qu’il a dit : « Cambrai, c’étaient les temps héroïques de ma vie ». Je lui ai parlé de la Pichardière, de notre chère église de Neuville, du bon curé (qui m’avait donné de bons conseils alors).
Et puis, mes pauvres enfants, ce jour-là j’ai vu les yeux de votre cher papa, son cher regard que nous pleurons tous à présent… ! Il m’a dit, depuis, qu’il était rentré chez lui, ce soir-là, en disant à sa mère : « Ah ! si je suis refusé, à présent je sens que je serai très malheureux ». Madame Lesort, qui ordinairement prévoyait toutes les catastrophes, mêmes celles qui ne devaient jamais arriver, était cette fois pleine d’espoir et de confiance. Monsieur Lesort, généralement porté à bien prendre les choses et comptait toujours que tout irait bien, était désespéré, sûr d’essuyer un échec ! Il croyait les Madelin poseurs, supérieurs, hautains ? et ce fut lui qui me séduisit le plus de toute la famille, avec sa haute taille, sa distinction dont il ne se doutait pas…Nous nous sommes revus, André et moi, bien et dûment surveillés par mes parents une erreur de plus !
Mais je me suis décidée à voter oui tout de même, et nous avons été solennellement fiancés le 19 novembre, jour de la Sainte Elisabeth.
La date du mariage fut fixée au 28 janvier et tout était prêt pour le célébrer – y compris le petit appartement de Rennes, 21 rue Hoche, retenu par le futur époux - quand après avoir choisi le satin de ma robe de mariée, mon pauvre papa (Amédée Madelin, ndlr), après une démarche charitable au nom de la Conférence Saint-Vincent de Paul, eut une pneumonie qui l’emporta en quelques jours, pleuré comme un père par mon pauvre fiancé. Les fêtes prévues furent donc supprimées et notre mariage célébré dans l’intimité, le 24 février 1906."
Le télégramme pneumatique décisif du 4 novembre 1905 :
Retranscription :
Cher Monsieur,
l'entrevue de l'autre jour ne pouvait évidemment produire aucun résultat décisif. Vous éprouvez sans doute le désir de revoir ma soeur et cette fois de causer avec elle. En ce cas ce désir serait réciproque : nous pensons tous qu'il serait bon qu'une causerie plus intime vous permette l'un et l'autre de vous connaitre. Mon père et ma soeur Elizabeth dirigent parfois leur promenade au Bois vers le Pavillon Royal. Ils y seront demain Dimanche à 4h 1/4 (5 novembre ndlr)et seront heureux de vous rencontrer ... comme par hasard.
(Vous savez que c'est le pavillon situé à l'extrémité du lac du côté de la porte Dauphine).Le télégramme pneumatique décisif du 4 novembre 1905 :
Cher Monsieur,
l'entrevue de l'autre jour ne pouvait évidemment produire aucun résultat décisif. Vous éprouvez sans doute le désir de revoir ma soeur et cette fois de causer avec elle. En ce cas ce désir serait réciproque : nous pensons tous qu'il serait bon qu'une causerie plus intime vous permette l'un et l'autre de vous connaitre. Mon père et ma soeur Elizabeth dirigent parfois leur promenade au Bois vers le Pavillon Royal. Ils y seront demain Dimanche à 4h 1/4 (5 novembre ndlr)et seront heureux de vous rencontrer ... comme par hasard.
Et maintenant je vous souhaite personnellement bonne chance en vous redisant le plaisir que j'ai eu à faire votre connaissance.
Louis Madelin
La carte postale souvenir du 5 novembre 1905 :
Carte postale du Palais Royal envoyée par Elizabeth Madelin à André Lesort avec pour seule mention deux dates au recto : 5 novembre et 3 décembre 1905.
Le télégramme du 10 janvier 1906 annonçant le décès d'Amédée Madelin :
Ah,cet opportun télégramme à qui nous devons tous l' existence!...Quel génie,ce Louis Madelin (dont je viens de lire l'"histoire de la révolution": son style vif et tonique est digne d'un Jean Lacouture,bien plus pimpant que celui -empesé- des écrivains du début du siécle qui nous vit naître…) ! Affections téléportées , Marc.
RépondreSupprimerMarc Lesort