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Tante Maggy |
L'émouvant adieu d'Oncle Gonzague à Tante Maggy
Maggy et moi, nous adressons d’abord à vous tous, un immense MERCI. Pour vos merveilleux témoignages d’affection, douces mais indispensables consolations.
Que ce soit à Bruxelles - où les Olivier et les Nicolas ont joint – à leur affection- de nombreux, difficiles et efficaces appuis.
Ou que ce soit aujourd’hui, ici, par votre participation à notre intime et chaleureuse communion dans la tristesse.
Vous comprenez bien sûr cette immense tristesse pour le survivant d’un couple de 65 années. C’est en reconnaissance à ma Maggy chérie, que je voudrais maintenant en évoquer l’origine, car c’est à elle que nous devons tout.
L’histoire a commencé en janvier 1947, quand une demoiselle d’une bonne famille de Rennes décida de venir travailler à Berlin, dans un service secret français, pourtant installé au bout du monde, dans les ruines (et quelles ruines !) de la capitale du Reich. Son voyage en train (et quels trains !) dura deux jours et deux nuits.
Pour le lieutenant Lesort, c’était une heureuse apparition, dans l’atmosphère –disons particulière, de ce service où, à l’exception de mon ami Jacques Chabolle, on travaillait entre russes, américains anglais.
Devant ce cercueil, devant ces tombes, devant nos enfants, petits-enfants, cousins et chers amis, je dois à Maggy de vous révéler que c’est elle qui fut la véritable créatrice de notre couple, de notre , de nos familles, de 65 ans de merveilleux bonheur, même si marqués de grands malheurs . Puisque c’est elle-même qui, par une lettre intime et chaleureuse, me proposa qu’ensemble nous fondions notre famille.
Ce courrier me fut remis le 14 Septembre dans la gare (totalement en ruines) de Francfort, au retour d’un voyage en Italie avec mon ami Jacques Chabolle
Ma réponse fut claire. Dès mon retour à Versailles, Maggy y vint le 4 Octobre… et se conclut merveilleusement dans le « Jardin du Roi ». Fiançailles officielles à Rennes le 23 Novembre et mariage le 31 Mars 1948.
Ainsi, ma Maggy chérie, ces merveilleuses années que je te dois, que nous te les devons tous.
Et tout particulièrement à tes discrètes et délicates qualités :
Parfaite fiancée, parfaite épouse, parfaite Maman, parfaite Grand’mère, parfaite arrière grand’mère parfaite maitresse de maison, parfaite musicienne, parfait sens de nos familles, de nos amitiés… parfaite dans tes constantes délicatesses, parfaite en tout… même en discrétion …
NON ! MAGGY ! TU NE VAS DISPARAITRE !
TU RESTES AVEC NOUS, TOUT PRES DE NOUS !
NOUS NOUS AIMONS GRACE A TOI !
NOUS T’AIMONS PLUS ENCORE QU’AVANT !
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Noces d'or de Maggy et Gonzague Lesort (1998)
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Olivier Lesort nous parle de sa mère :
Nichée entre deux grandes chambres du
Prieuré, la maison de nos parents en Normandie, se trouve une toute
petite pièce, sorte de petit cabinet : « le bureau de
notre mère ».
On n'y pénétrait jamais car c'était
son espace à elle, pour elle.
En retournant tout récemment dans
cette maison je me suis permis d'aller dans ce petit espace qui ne
laisse de la place que pour un bureau et sa chaise.
Sur un des murs de cette pièce, notre mère avait
accroché un cadre contenant une prière intitulée « Bientôt
je serais vieille », d'une certaine Sœur Véronique-Sophie,
religieuse du XVIIème siècle.
En lisant ce texte qui commence par «
Seigneur, tu le sais mieux que moi, je vieillis chaque jour »,
je me suis aperçu que beaucoup de passages correspondaient
parfaitement à ce qu'avait été cette femme qu'on appelait Maggy.
« Garde moi de cette habitude
désastreuse
de croire que j'ai quelque-chose à
dire
à propos de tout et en toutes
occasions... »
D'abord c'était très difficile dans
notre famille de s'imposer pour s'exprimer !
Maggy, femme discrète et posée,
détestait les discussions futiles, les palabres et les polémiques
qui animaient souvent nos repas de famille.
Et quand l'un d'entre nous la prenait à
témoin ou lui demandait son avis, elle lui répondait par un grand
sourire, en lui tendant le plat pour se resservir.
« Il me semble parfois dommage
de ne pas utiliser mon immense
expérience ... »
Avant d'être devenue une bonne épouse
et une bonne mère, il faut savoir que Maggy avait connu bien
d'autres expériences que celle de se consacrer à sa famille :
Jeune, elle adorait voler dans des
petits avions ; elle avait décidé d'aller visiter toute seule
la Tunisie ; elle avait appris à jouer du violon au
Conservatoire de Rennes et donna par la suite des concerts et puis,
comble du désir d'indépendance, elle avait osé affronter
l'autorité de ses parents en leur expliquant sa détermination à
vouloir gagner sa vie toute seule.
C'est alors qu'elle décida de quitter
la Bretagne familiale pour aller rejoindre son poste de secrétaire
du service de contre-espionnage français à Berlin, bravant toute
seule un long et périlleux voyage en train qui dura deux jours et
deux nuits.
« Garde moi de me perdre
dans le récit de mille détails ... »
Pour Maggy le risque n'était pas grand
et il nous a fallu beaucoup d'insistance et de patience pour qu'elle
se raconte, qu'elle nous confie ses souvenirs d’enfance heureuse,
puis ceux passionnants et tragiques de l'Occupation allemande et de
la Résistance pour laquelle une très grande partie de sa famille,
dont elle, s'était engagée.
En particuliers son frère Joseph,
dénoncé, arrêté, condamné à mort et sauvé in extremis du
peloton d’exécution, grâce à la ténacité et au courage de
notre grand-mère maternelle.
« Scelle mes lèvres sur mes
peines et mes bobos ... »
C'est très simple, les rares fois où
Maggy était malade ou souffrante, elle disparaissait dans sa chambre
avec la consigne très stricte d'interdire à ses enfants de venir
la voir dans son lit.
D'une manière générale, elle
répugnait à se plaindre de ses maux ou d'en faire le moindre
étalage.
Par pudeur, par fierté.
« Je ne tiens pas à être une
sainte :
les fins sont parfois difficiles à
vivre ! »
Maggy aurait certainement été très
gênée de s'entendre dire par son mari au cimetière qu'elle était
« parfaite épouse, parfaite mère ... ».
Mais c'est bien vrai qu'elle avait un
coté perfectionniste, ce désir de tout bien faire qui nous agaçait
un peu, mon père et mes frères et moi. En particulier quand ce rôle
nous concernait, nous les quatre garçons turbulents, rebelles et
volontiers cascadeurs !
Et puis aussi, plus tard, dans celui
d'une grand-mère choyant et gâtant tous ses petits enfants qui
l'adoraient.
« Il y a tant de choses gaies et
amusantes
où on ne s'y attendait pas :
rends-moi capable de les voir ... »
Quitte à me répéter, Maggy était le
plus souvent discrète et silencieuse et nous étions tous étonnés
et même stupéfaits quand il lui arrivait d'être prise de grands
éclats de rire.
Elle commençait d'abord par prendre
son visage mutin puis c'étaient d'irrésistibles fous rires qui
ponctuaient ses récits, ceux des situations cocasses qu'elle avait
vécu, des souvenirs d'enfance, les blagues de ses frères ou les
savoureuses expressions de ses parents.
Il est difficile et encore douloureux
de tenter d'expliquer qui était vraiment cette femme à la fois
douce et énigmatique, aimante et mystérieuse.
C'est encore plus compliqué
d'expliquer qui fut notre mère, sauf peut-être en reprenant le vers
final du poème de Victor Hugo intitulé « Aux Feuillantines ».
Le poète y raconte ses souvenirs
d'enfance en décrivant avec précision les paysages et en faisant le
portrait des adultes qu'il se remémore.
Quand il en arrive à parler de sa
mère, il écrit ceci :
« Et ma mère - était ma mère »
Olivier Lesort