dimanche 27 novembre 2011

Lettre d'André Lesort , notre grand-père,après le décès de sa mère Céline Lesort née Brouesse.

Olivier Lesort nous a retranscrit une lettre émouvante, mêlant chagrin et précarité financière, datée du 23 juillet 1910, de notre grand-père, André Lesort à sa femme Elizabeth, suite au décès de sa mère Céline Lesort née Brouesse.

Ma pauvre enfant chérie,
Quelles épreuves, et mille fois plus cruelles à subir sans toi ! Tout le long de cette douloureuse journée, tandis que je suivais des yeux le cercueil de ma pauvre maman chérie, que je considère mon père bien aimé, que je vois sans cesse tous ces objets placés, ficelés, étiquetés par les mains soigneuses de ma petite mère, je me demande ce que tu deviens, comment tu te trouves, si tu n'as pas besoin de moi.
Je ne vis pas, et je grille du désir d'être auprès de toi, de partager avec toi cette croix si dure à porter, de te parler de cette bonne mère, dont je sens que j'ai à continuer la vie, les pensées, les intentions..., les vraies, celles qu'elle avait au fond de son cœur si excellent, et qu'elle se dissimulait parfois à elle-même. Oh ! Ma pauvre chérie, quel vide immense, et comment j'ai besoin de toi pour m'aider à le supporter. Ta lettre a fait tant de bien à Père ce matin, de la délicate et chaude affection de ta chère maman pour nous. Ta maman est plus que jamais la mienne !
Je voulais rentrer à Rennes lundi, car je ne peux te laisser aussi longtemps seule, et je ne peux davantage me passer de toi, mais je ne pas non plus laisser mon pauvre père seul dans cette maison, dont il touche et retouche tous les objets en faisant une mine si lamentable !
D'autre part, il y a à faire des démarches à l'enregistrement ; il faut payer les pompes funèbres, aviser à l'aménagement de la chère tombe. Père veut reprendre lundi son service aux propriétaires et mercredi aux agriculteurs, y toucher son traitement et y ...( illisible) son permis, et il compte sur moi pour être avec lui, dans tout cela. Il avait voulu rester jusqu'à samedi ici et que je reparte moi-même lundi ou mardi, mais les Olivier ne peuvent retarder leur départ  au delà de jeudi ou vendredi au plus tard, et comme ils ont les trois enfants de Germaine, celle ci ne pouvait rester. Que toutes ces alternatives sont dures à envisager !
Mais, je t'en conjure, rappelle-moi auprès de toi à la moindre alerte, au moindre désir ! Tu as passé par les mêmes douleurs que moi, quand tu as perdu ton pauvre cher papa, mais tu n'avais pas de décisions à prendre, tu n'avais pas ces pénibles combats intérieurs à subir pour savoir si tu devais être auprès de l'un ou de l'autre, comme moi, qui voudrais être ici et à Rennes !
Ta maman m'a ce matin apporté 200 fr ; je voudrais n'y pas toucher et emprunter, à mon retour, sur quelques unes de nos valeurs ; d'ailleurs tu n'as certainement pas touché la moitié des coupons qui étaient payables, car rien qu'en titres russes, il y avait pour 60 f. Ne te tourmentes pas à ce sujet, mais, si tu as besoin d'argent, télégraphie-moi, je te renverrai celui que tu m'as adressé, regardes encore les coupons et touches-en ; pour les bourses(?), vois si tu ne dois pas leur demander d'attendre jusqu'à mon retour, en leur disant que c'est moi qui m'occupe de tout cela.
Je suis au désespoir de te savoir dans cette détresse financière, et, réflexion faite, je t'envoie cinquante francs sous ce pli.
Schek m'a écrit un mot charmant, et Le Meur qui le croirait ? Une lettre pleine de cœur. Il faut que je m'achette( écrit ainsi ) un complet noir : je n'ai pour aller à la messe demain, que mon vêtement gris qui est mon habit. Je vais aussi t'acheter un jupon ; pour toi, ne faudrait-il pas une robe, dis-le moi vite. Germaine en a acheté une, toute ornée de crêpe, 49 f. Veux-tu quelque chose de semblable ?
Marie Sibout, ayant deux enfants malades, n'a pu arriver qu'après la messe, et la pauvre Germaine aurait été seule à conduire le deuil si ta maman n'avait eu la bonté de l'accompagner. Je n'ai ni le temps ni la force de te donner aujourd'hui des détails de cette cruelle journée. Père s'est montré un saint, un fort et un vaillant ; il était vraiment un chef de famille, chrétien dans toute sa force. Tous les excellents messieurs de Saint Vincent l'avaient entouré d'une douce et chaude sympathie, qui nous réconfortait tous, et le froid M. Fleche lui-même était excellent.
Allons, courage, ma bonne chérie, je m'appuie sur toi, avec toi nous parlerons de ma chère mère, qui t'aimait tant et qui était si fière de toi. Père t'embrasse comme il t'aime, très paternellement et moi ton André, bien affligé, plus affligé encore parce qu'il est sans toi, je me jette dans ton cœur avec toutes mes larmes et tout mon amour.
Embrasse bien les chéries petites : c'est d'elles dont Mère parlait quand elle a été frappée du coup ( ? mot  illisible)

Ton André

Germaine n'est arrivée qu'à 11h1/2, après moi, bien après. Le pauvre père était seul jusqu'à qu'on arrive. Quelle horrible nuit!

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