Fable-dialogue écrite et illustrée par grand-mère Lesort, récitée par tante Chantal (4 ans) et tante Gertrude (3 ans) pour la fête de grand-père le 30 novembre 1911, tante Wilhelmine a 1 an. Le sujet quelque peu morbide donne un aperçu original des concepts d'éducation de grand-mère à l'usage des très jeunes enfants...
Grâce à un recoupement de Catherine Chenu, nous publions également à la suite une lettre de grand-père, écrite le lendemain, où il raconte, visiblement très ému, les détails du spectacle.
Grâce à un recoupement de Catherine Chenu, nous publions également à la suite une lettre de grand-père, écrite le lendemain, où il raconte, visiblement très ému, les détails du spectacle.
LE SECRET DE BÉBÉ
Fable de deux petites filles à leur papa
Chantal - Je connais depuis l'automne
Un baby des plus charmants
Dont la sœur, pauvre mignonne !
Est poitrinaire à quinze ans !
Quand je vis la blonde tête
De ce gracieux lutin
Je parcourais en cachette
Les allées d'un grand jardin.
« Que fais-tu là petit homme ? »
Lui dis-je d'un air surpris
Et cependant voilà comme
Aussitôt il répondit :
Gertrude - « Pour jouer à la cachette
Je suis tout seul à présent
Car bien malade est sœurette,
Et le médecin vient souvent
Le médecin est très sévère
Mais il n'a pas l'air méchant,
Cependant Petite Mère
Souvent pleure en l'écoutant.
Alors j'ai voulu savoir
Ce qui la faisait pleurer.
Sous un meuble avec mystère
Hier je me suis caché !
Ce n'était pas bien peut-être
Monsieur ? Tu vas me gronder.
Le médecin parlait à Mère,
De là j'ai tout écouté !
Il disait :
Chantal - .... Voyez à terre
Que de feuilles déjà !
Quand tombera la dernière
... La chère enfant s'en ira !
Gertrude - Voilà pourquoi je ramasse
Les feuilles qui vont tomber ;
Mais bien grande est ma tâche !
Dis, Monsieur, veux-tu m'aider ?
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Lettre de Grand-Père à son père, Ludovic Lesort, le 1° Décembre 1911 où il lui raconte en détail comment on lui a fêté la saint André,la veille, à la maison avec la « représentation exclusive » du fameux secret de bébé... (extrait) :
Mon cher petit père,
...............A la maison, la cérémonie a été délicieuse; elle a eu lieu à midi, suivant l'usage de la famille Madelin, que je m'explique mieux maintenant, en raison des enfants qu'il est difficile d'avoir le soir.
A mon retour des Archives, j'ai trouvé mes trois filles, toutes vêtues de blanc, de beaux noeuds dans les cheveux, des ceintures fraîches et pimpantes, et tenant chacune à la main une rose de Noël ; les deux aînées m'ont offert leurs petits cadeaux, puis m'ont récité, tout à fait bien, une fable-dialogue très jolie, quoique un peu triste. J'en était vivement ému, mais j'admirais surtout la patience de leur mère, car il n'est pas facile d'obtenir un peu d'attention de la part de ces demoiselles, dont l'imagination, toujours en travail, profite des moindres éléments pour en faire le point de départ de développements inventés, à travers lesquels on ne peut plus les suivre. Enfin, elle se sont parfaitement bien tirées de leurs rôles, et j'espère qu'elles pourront t'en faire jouir bientôt. Quant à Bobeth, elle avait si bien fait danser l'anse du panier pendant les quinze jours où elle avait fait l'office de cuisinière, qu'elle avait ramassé une somme suffisante pour me faire un cadeau très supérieur à celui que nos ressources lui permettent d'ordinaire. Tu en jugeras toi-même, car je t'en envoie par ce courrier une partie, de même que je peux aussi en réserver autant à ma belle-mère. J'étais dans une joie indescriptible, et j'étais certes bien loin de m'attendre à cette délicieuse surprise ; mais j'admire qu'elle même et les enfants aient pu garder aussi longtemps leur secret. Il est vrai que toutes, grande et petites, se réjouissaient beaucoup de ma stupéfaction....J'allais oublier de te dire que Bobeth m'avait, avant la récitation de la fable, remis le texte de cette poésie, afin que je puisse le suivre pendant la déclamation ; elle avait peint, au dos, une scène de notre prochain déménagement, figurant nos trois filles juchées sur un plateau de commissionnaire au milieu de l'amas informe et chaotique de leurs vieux jouets, parmi lesquels on distingue seulement la fameuse petite table que leur a donnée Germaine, le berceau d'osier qu'elles tiennent de toi, le cerceau dont ma belle mère a gratifié Gertrude : Chantal brandit, avec son livre de lecture, son cher parapluie et Gertrude son non moins cher ours.
Le déménagement est-il pour le mois de décembre 1911 ou pour le mois de juin 1912 ? nous l'ignorons toujours..............
Grand Père était, en effet, candidat à la Direction des Archives de la Seine et Oise et, dans la suite de la lettre, il s'inquiète d'un concurrent dangereux ! Bien entendu, nous savons tous que grand père était le meilleur et qu'il obtint le poste.
Ci-dessous l'original de la lettre écrite par grand-père, retrouvée grâce à la vigilance de Catherine Chenu.